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Poème funèbre “L’an neuf de l’Hégire” de Victor Hugo au prophète Mohamed

L’An Neuf de l’Hégire, un poème écrit par Victor Hugo vers 1855-56, capture la beauté et la douleur de la mort du Prophète Mohamed ﷺ. Pour avoir une vision aussi précise de la personne que représentait le Messager, Victor Hugo devait connaître la Sunna, la tradition islamique qui consigne les actes, les paroles et les comportements du Prophète comme un exemple à suivre. Un autre poème de l’écrivain, Versets du Coran, a été directement inspiré par la sourate Al Zalzala, révélée à Mohamed.

La Bible ne répond plus à ses questions. L’illustre auteur français en vient à étudier la religion musulmane, produisant une œuvre étonnante intitulée L’an neuf de l’Hégire, un poème très peu connu reflétant la figure du prophète Mohamed.

“L’homme est entouré de tous côtés par Dieu”. Cette déclaration de Victor Hugo le marque. Et fort de sa foi inébranlable en un Dieu, qui marque profondément son œuvre,

Dans son recueil de poèmes La Légende des siècles (1859-1883), Victor Hugo illustre l’évolution de l’Homme, en se fixant pour objectif de dépeindre l’histoire de l’humanité. Combinant récits bibliques, mythologie grecque et romaine, métaphysique et mysticisme, Hugo termine son œuvre en rappelant à l’humanité combien nous sommes petits face à l’Univers et à l’infini de Dieu.

La plume de Victor Hugo ne cessait d’écrire sur l’amour indéfectible qui le liait à Dieu, dont il était certain qu’il jouerait un rôle prépondérant dans la réalisation de son œuvre. Partout, tout le temps, Dieu régissait son monde intérieur et serait la source à laquelle l’auteur puisait ses aspirations, ses idéaux, ses combats.

L’an neuf de l’Hégire chante avec justesse la silhouette, le visage, la justice, l’équité, la droiture, la force mentale, l’honnêteté, l’écoute, la bienveillance, l’humilité, le pardon, l’hospitalité et autres qualités du Prophète Mohammed. Il a prôné ces valeurs pendant les quarante années de son combat pour le bien de l’Humanité.

Si Muhammad a été choisi pour recevoir et transmettre la Parole de Dieu, c’est en raison de son caractère exalté. Dans le Coran, Dieu dit de son Messager : “Tu es d’un caractère magnifique” (68,4). Son épouse Aïcha dira de lui que “Son caractère était le Coran”.

Victor Hugo et la religion

Victor Hugo “L’an neuf de l’hégire”

La Légende des siècles, Hetzel, 1859 (p. 59-65).

Comme s’il pressentait que son heure était proche,
Grave, il ne faisait plus à personne un reproche ;
Il marchait en rendant aux passants leur salut ;
On le voyait vieillir chaque jour, quoiqu’il eût
À peine vingt poils blancs à sa barbe encor noire ;
Il s’arrêtait parfois pour voir les chameaux boire,
Se souvenant du temps qu’il était chamelier.
Et disait : « La beauté sur terre, au ciel le jour. »

Il semblait avoir vu l’Éden, l’âge d’amour,
Les temps antérieurs, l’ère immémoriale.
Il avait le front haut, la joue impériale,
Le sourcil chauve, l’œil profond et diligent,
Le cou pareil au col d’une amphore d’argent,
L’air d’un Noé qui sait le secret du déluge.
Si des hommes venaient le consulter, ce juge
Laissant l’un affirmer, l’autre rire et nier,
Écoutait en silence et parlait le dernier.
Sa bouche était toujours en train d’une prière ;
Il mangeait peu, serrant sur son ventre une pierre ;
Il s’occupait lui-même à traire ses brebis ;
Il s’asseyait à terre et cousait ses habits.
Il jeûnait plus longtemps qu’autrui les jours de jeûne,
Quoiqu’il perdît sa force et qu’il ne fût plus jeune.
À soixante-trois ans, une fièvre le prit.
Il relut le Koran de sa main même écrit,
Puis il remit au fils de Séid la bannière,
En lui disant : « Je touche à mon aube dernière,
Il n’est pas d’autre Dieu que Dieu. Combats pour lui. »

Et son œil, voilé d’ombre, avait ce morne ennui
D’un vieux aigle forcé d’abandonner son aire.
Il vint à la mosquée à son heure ordinaire,
Appuyé sur Ali, le peuple le suivant ;
Et l’étendard sacré se déployait au vent.
Là, pâle, il s’écria, se tournant vers la foule :
« Peuple, le jour s’éteint, l’homme passe et s’écoule ;
La poussière et la nuit, c’est nous. Dieu seul est grand.
Peuple, je suis l’aveugle et je suis l’ignorant.
Sans Dieu je serais vil plus que la bête immonde. »
Un scheik lui dit : « Ô chef des vrais croyants ! le monde,
Sitôt qu’il t’entendit, en ta parole crut ;
Le jour où tu naquis une étoile apparut,
Et trois tours du palais de Chosroès tombèrent. »
Lui, reprit : « Sur ma mort les anges délibèrent ;
L’heure arrive. Écoutez. Si j’ai de l’un de vous
Mal parlé, qu’il se lève, ô peuple, et devant tous
Qu’il m’insulte et m’outrage avant que je m’échappe ;
Si j’ai frappé quelqu’un, que celui-là me frappe. »
Et, tranquille, il tendit aux passants son bâton.
Une vieille, tondant la laine d’un mouton,
Assise sur un seuil, lui cria : « Dieu t’assiste ! »

Il semblait regarder quelque vision triste,
Et songeait ; tout à coup, pensif, il dit : « Voilà,
Vous tous : je suis un mot dans la bouche d’Allah ;

Je suis cendre comme homme et feu comme prophète.
J’ai complété d’Issa la lumière imparfaite.
Je suis la force, enfants ; Jésus fut la douceur.
Le soleil a toujours l’aube pour précurseur.
Jésus m’a précédé, mais il n’est pas la Cause.
Il est né d’une vierge aspirant une rose.
Moi, comme être vivant, retenez bien ceci,
Je ne suis qu’un limon par les vices noirci ;
J’ai de tous les péchés subi l’approche étrange ;
Ma chair a plus d’affront qu’un chemin n’a de fange,
Et mon corps par le mal est tout déshonoré ;
Ô vous tous, je serai bien vite dévoré
Si dans l’obscurité du cercueil solitaire
Chaque faute de l’homme engendre un ver de terre.
Fils, le damné renaît au fond du froid caveau,
Pour être par les vers dévoré de nouveau ;
Toujours sa chair revit, jusqu’à ce que la peine,
Finie, ouvre à son vol l’immensité sereine.
Fils, je suis le champ vil des sublimes combats,
Tantôt l’homme d’en haut, tantôt l’homme d’en bas,
Et le mal dans ma bouche avec le bien alterne
Comme dans le désert le sable et la citerne ;
Ce qui n’empêche pas que je n’aie, ô croyants !
Tenu tête dans l’ombre aux anges effrayants
Qui voudraient replonger l’homme dans les ténèbres ;
J’ai parfois dans mes poings tordu leurs bras funèbres ;
Souvent, comme Jacob, j’ai la nuit, pas à pas,
Lutté contre quelqu’un que je ne voyais pas ;

Mais les hommes surtout ont fait saigner ma vie ;
Ils ont jeté sur moi leur haine et leur envie,
Et, comme je sentais en moi la vérité,
Je les ai combattus, mais sans être irrité ;
Et, pendant le combat, je criais : « Laissez faire !
» Je suis seul, nu, sanglant, blessé ; je le préfère.
» Qu’ils frappent sur moi tous ! que tout leur soit permis !
» Quand même, se ruant sur moi, mes ennemis
» Auraient, pour m’attaquer dans cette voie étroite,
» Le soleil à leur gauche et la lune à leur droite,
» Ils ne me feraient point reculer ! » C’est ainsi
Qu’après avoir lutté quarante ans, me voici
Arrivé sur le bord de la tombe profonde,
Et j’ai devant moi Dieu, derrière moi le monde.
Quant à vous qui m’avez dans l’épreuve suivi,
Comme les Grecs Hermès et les Hébreux Lévi,
Vous avez bien souffert, mais vous verrez l’aurore.
Après la froide nuit, vous verrez l’aube éclore ;
Peuple, n’en doutez pas ; celui qui prodigua
Les lions aux ravins du Jebel-Kronnega,
Les perles à la mer et les astres à l’ombre,
Peut bien donner un peu de joie à l’homme sombre. »

Il ajouta : « Croyez, veillez ; courbez le front.
Ceux qui ne sont ni bons ni mauvais resteront
Sur le mur qui sépare Éden d’avec l’abîme,
Étant trop noirs pour Dieu, mais trop blancs pour le crime ;

Presque personne n’est assez pur de péchés
Pour ne pas mériter un châtiment ; tâchez,
En priant, que vos corps touchent partout la terre ;
L’enfer ne brûlera dans son fatal mystère
Que ce qui n’aura point touché la cendre, et Dieu
À qui baise la terre obscure, ouvre un ciel bleu ;
Soyez hospitaliers ; soyez saints ; soyez justes ;
Là-haut sont les fruits purs dans les arbres augustes,
Les chevaux sellés d’or, et, pour fuir aux sept cieux,
Les chars vivants ayant des foudres pour essieux ;
Chaque houri, sereine, incorruptible, heureuse,
Habite un pavillon fait d’une perle creuse ;
Le Gehennam attend les réprouvés ; malheur !
Ils auront des souliers de feu dont la chaleur
Fera bouillir leur tête ainsi qu’une chaudière.
La face des élus sera charmante et fière. »

Il s’arrêta, donnant audience à l’esprit.
Puis, poursuivant sa marche à pas lents, il reprit :
« Ô vivants ! je répète à tous que voici l’heure
Où je vais me cacher dans une autre demeure ;
Donc, hâtez-vous. Il faut, le moment est venu,
Que je sois dénoncé par ceux qui m’ont connu,
Et que, si j’ai des torts, on me crache au visage. »

La foule s’écartait muette à son passage.

Il se lava la barbe au puits d’Aboulféia.
Un homme réclama trois drachmes, qu’il paya,
Disant : « Mieux vaut payer ici que dans la tombe. »
L’œil du peuple était doux comme un œil de colombe
En regardant cet homme auguste, son appui ;
Tous pleuraient ; quand, plus tard, il fut rentré chez lui,
Beaucoup restèrent là sans fermer la paupière,
Et passèrent la nuit couchés sur une pierre.
Le lendemain matin, voyant l’aube arriver :
« Aboubèkre, dit-il, je ne puis me lever,
Tu vas prendre le livre et faire la prière. »
Et sa femme Aïscha se tenait en arrière ;
Il écoutait pendant qu’Aboubèkre lisait,
Et souvent à voix basse achevait le verset ;
Et l’on pleurait pendant qu’il priait de la sorte.
Et l’ange de la mort vers le soir à la porte
Apparut, demandant qu’on lui permît d’entrer.
« Qu’il entre. » On vit alors son regard s’éclairer
De la même clarté qu’au jour de sa naissance ;
Et l’ange lui dit : « Dieu désire ta présence.
— Bien, » dit-il. Un frisson sur ses tempes courut,
Un souffle ouvrit sa lèvre, et Mahomet mourut.

Source : La bibliothèque libre

Traduction du Poème “L’an neuf de l’Hégire” de Victor Hugo

“السنة التاسعة للهجرة” عن موت النبي محمد . فيكتور هوغو

قصيدة الأديب الفرنسي فيكتور هوغو بعنوان “السنة التاسعة للهجرة” عن موت النبي محمد صلى الله عليه وسلم.

Comme s’il pressentait que son heure était proche,

كمن خالجه الإحساس بدنوّ الموت منه.

Grave, il ne faisait plus à personne une reproche ;

فلم يُنْحِ أبداً باللاّئمة على أحد مهما كان.

Il marchait en rendant aux passants leur salut ;

مشى وهوّ يردّ على تحيّة العابرين بمثلها.

On le voyait vieillir chaque jour, quoiqu’il eût

A peine vingt poils blancs à sa barbe encore noire ;

ويوماً عن يوم خط الشيب سواد شعر لحيته.

Il s’arrêtait parfois pour voir les chameaux boire,

توقّف وهو يرى النوق تطفيء غلتها في الماء

Se souvenant du temps qu’il était chamelier.

كمن يتذكرّ ماضيّه إبّان رحلاته صحبة القوافل.

Il semblait avoir vu l’Eden, l’âge de d’amour,

بدا وكأنّه يرى زمن الحبّ في جنّات عدن

Les temps antérieurs, l’ère immémoriale.

وفي العهود السالفة التي لا تنسى.

Il avait le front haut, la joue impériale,

كان عاليّ الجبين، خدّاه ملائكيّان.

Le sourcil chauve, l’œil profond et diligent,

حاجباه غير كثيفين وعيناه عميقتان.

Le cou pareil au col d’une amphore d’argent,

عنقه أشبه شيء بمحبقة زهور فضيّة.

L’air d’un Noé qui sait le secret du déluge.

سَمْتُ نُوحٍ ذلك العارف بسرّ الطوفان.

Si des hommes venaient le consulter, ce juge

حاكم إذا احتكم إليه رجلان فإنّه بهيبته

Laissait l’un affirmer, l’autre rire et nier,

يترك المُدان معترفاً والمتضرّر مطمئنّاً

Ecoutait en silence et parlait le dernier.

يصغي بصمت ولا يتكلّم إلاّ آخر المتكلّمين.

Sa bouche était toujours en train d’une prière ;

لا يجري على لسانه دائما غير ذكر الله.

Il mangeait peu, serrant sur son ventre une pierre ;

قليل الميل إلى الطعام. يشدّ الحزام على بطنه.

Il s’occupait de lui-même à traire ses brebis ;

يسهر بنفسه على حلب نعاجه.

Il s’asseyait à terre et cousait ses habits.

يجلس على الأرض ويرتّق ثيّابه.

Il jeûnait plus longtemps qu’autrui les jours de jeûne,

كثير الصوم خارج الأيّام الرمضانيّة،

Quoiqu’il perdît sa force et qu’il ne fût plus jeune.

لهذا ضعفت قوّته حتّى كأنّه غير شاب.

A soixante-trois ans une fièvre le prit.

داهمته حمّى وهو ذو ثلاثة وستّين عاماً

Il relut le Coran de sa main même écrit,

قرأ القرآن وبيده كتبه

Puis il remit au fils de Séid la bannière,

ثمّ أسلم البيْرق إلى ابن السيد

En lui disant : ‘ Je touche à mon aube dernière.

قائلا له: أنا قريب من فجريّ الأخير.

Il n’est pas d’autre Dieu que Dieu. Combats pour lui.

ليس هناك من إله إلاّ الله فجاهد من أجله.

Et son œil, voilé d’ombre, avait ce morne ennui

وبما أن ظلاًّ حجب النظر عن عينه كان

D’un vieux aigle forcé d’abandonner son aire.

شبيهاً بنسر عجوز مرغم على هجران الطيران.

Il vint à la mosquée à son heure ordinaire,

أتى إلى المسجد في الوقت العاديّ

Appuyé sur Ali le peuple le suivant ;

متكئاً على عليّ ووراءه أنصاره

Et l’étendard sacré se déployait au vent.

بينما يخفق البيْرق المقدّس تُحرّكه الريح.

Là, pâle, il s’écria, se tournant vers la foule ;

متعباً شاحباً اِلتفت الى الجموع.

‘ Peuple, le jour s’éteint, l’homme passe et s’écroule ;

أيّها الناس. النهار إلى انطفاء والإنسان إلى زوال

La poussière et la nuit, c’est nous. Dieu seul est grand.

نحن كالغبار وكالليل، والله وحده الأكبر.

Peuple je suis l’aveugle et suis l’ignorant.

أيّها الناس، أنا الجاهل وأنا الأعمى

Sans Dieu je serais vil plus que la bête immonde.

بدون إله لن أكون غير كائن من كائنات الغاب.

Un cheikh lui dit : ‘ o chef des vrais croyants ! le monde,

قال له شيخ: “يا أمير المؤمنين الحقيقيّن: إنّ العالم

Sitôt qu’il t’entendit, en ta parole crut ;

بمجرّد ما يسمع قولك يومن به

Le jour où tu naquit une étoile apparut,

ففي يوم ميلادك أشرق نجم

Et trois tours du palais de Chosroès tombèrent.

وتهدّمت ثلاثة أروقة من إيوان كسرى”.

Lui, reprit : ‘ Sur ma mort les Anges délibèrent ;

وتابع قوله: قد تداول الملائكة شؤون موتي

L’heure arrive. Ecoutez. Si j’ai de l’un de vous

الساعة دقّت. أنصتوا. إذا كنت قد ذكرت أحدكم بسوء

Mal parlé, qu’il se lève, ô peuple, et devant tous

فليقف أمامي وليسبّني وليشهّرْ بي أمام الجميع

Qu’il m’insulte et m’outrage avant que je m’échappe ;

قبل أن تفيض روحي.

Si j’ai frappé quelqu’un, que celui-là me frappe.

وإذا كنت قد اعتديت على إنسان فليقف ويعتد عليّ.

Et, tranquille, il tendit aux passants son bâton.

وهادئاً يشهر على المارّة عصاه.

Une vieille, tondant la laine d’un mouton,

عجوز تجزّ صوف خروف

Assise sur un seuil, lui cria : ‘ Dieu t’assiste !

جالسة على عتبة قالت له صائحة : “أعانك الله”.

Il semblait regarder quelque vision triste,

بدا وكأنّه رأى رؤيا حزينة

Et songeait ; tout à coup, pensif, il dit : ‘ voilà,

ومباشرة تأمّل كمن يفكّر وقال: انظروا كلّكم:

Vous tous, je suis un mot dans la bouche d’Allah ;

أنا كلمة على لسان الله.

Je suis cendre comme homme et feu comme prophète.

أنا رماد كإنسان ونار كنبيّ.

J’ai complété d’Issa la lumière imparfaite.

أنجزت ما بقيّ غير كامل من نور عيسى.

Je suis la force, enfants ; Jésus fut la douceur.

أنا القوّة وطفلاً كان عيسى صاحب السلوك الحلو.

Le soleil a toujours l’aube pour précurseur.

كان الفجر للشمس رديفاً.

Jésus m’a précédé, mais il n’est pas la Cause.

سبقني عيسى ولم يكن السبب

Il est né d’une Vierge aspirant une rose.

بل كان ابن عذراء يفوح منها عطر زهرة.

Moi, comme être vivant, retenez bien ceci,

احفظوا ما أقول جيّداً، أنا لست إلاّ مخلوقاً حيّاً

Je ne suis qu’un limon par les vices noirci ;

ما أنا إلاّ طميٌ متكوّن من سوابق مسودّة،

J’ai de tous les péchés subi l’approche étrange ;

لقد عانيت من فرط الذنوب كلّ أنواع الضنى

Ma chair a plus d’affront qu’un chemin n’a de fange,

ليس لإهابي من ميزة غير طريق لا دليل لها

Et mon corps par le mal est tout déshonoré ;

وجسدي بالشر ملوّث.

O vous tous, je serais bien vite dévoré

يا أنتم عن قريب سوف أصبح سهل الالتهام

Si dans l’obscurité du cercueil solitaire

وأنا في ظلام النعش وحيد

Chaque faute engendre un ver de terre.

كلّ خطإ تتولّد عنه دُودة تراب.

Fils, le damné renaît au fond du froid caveau

إنّ المعذّب في عمق مغارة باردة

Pour être par les vers dévoré de nouveau ;

ولد من أجل أن يكون من جديد غذاء لدُود الأرض،

Toujours sa chair revit, jusqu’à ce que la peine,

أبداً يتجدّد إهابه إلى حدّ أن الشقاء النهائيّ

Finie ouvre à son vol l’immensité sereine.

يفتح المدى الصاحيّ أمام تحليقاته.

Fils, je suis le champ vil des sublimes combats,

أبنائي، ما أنا إلاّ حقل وضيع تجري فيه معارك ساميّة

Tantôt l’homme d’en haut, tantôt l’homme d’en bas,

حيناً يعلو فيه الإنسان وحيناً آخر يسفل فيه.

Et le mal dans ma bouche avec le bien alterne

الشرّ على لساني يوازيه الخير.

Comme dans le désert le sable et la citerne ;

شبيه بالصحراء تجمع بين الرمال والآبار،

Ce qui n’empêche pas que je n’aie, ô croyants !

الشيء الذي لا يمنع من أنّني ولدت يا أيّها المؤمنون

Tenu tête dans l’ombre au x Anges effrayants

لأجابه في الظلّ ملائكة مرعبين

Qui voudraient replonger l’homme dans les ténèbres ;

يريدون إعادة إغراق الإنسان في الدياجير،

J’ai parfois dans mes poings tordu leurs bras funèbres ;

أحياناً تكون قبضتا يديّ ملتويّتين وساعداهما ميّتتين.

Souvent, comme Jacob, j’ai la nuit, pas à pas,

وشبيهاً بيعقوب، كثيراً ما كنت خطوةً إثر خطوة

Lutté contre quelqu’un que je ne voyais pas ;

أقاوم في الليل إنساناً لا أراه،

Mais les hommes surtout on fait saigner ma vie ;

ولكن الناس على الأخصّ هم من تسبّبوا في نزيف حياتي،

Ils ont jeté sur moi leur haine et leur envie,

فقد انقضّوا عليّ وأثقلوني بكراهيّتهم وشراهتهم،

Et, comme je sentais en moi la vérité,

وبما أنّني أحسست بالحقيقة في ذاتي

Je les ai combattus, mais sans être irrité,

فإنّني قاومتهم دون أن أصاب بسوء،

Et, pendant le combat je criais : ‘ laissez faire !

وأثناء المعركة صرخت: اتركوه يفعل.

Je suis le seul, nu, sanglant, blessé ; je le préfère.

أنا الوحيد العاري الدامي المجروح: أنا أفضّل ذلك.

Qu’ils frappent sur moi tous ! Que tout leur soit permis !

ليضربني أعدائي كلّهم وليكن مسموحاً لهم بفعل كلّ شيء.

Quand même, se ruant sur moi, mes ennemis

فهم مهما يكن الأمر أعدائي الذين يتّجهون صوبي

Auraient, pour m’attaquer dans cette voie étroite,

من أجل أن يهاجموني في هذا الدرب الضيّق

Le soleil à leur gauche et la lune à leur droite,

الشمس على يسارهم والقمر على يمينهم

Ils ne me feraient point reculer ! ‘ C’est ainsi

إنّهم لم يستطيعوا إجباري على التقهقر. هكذا

Qu’après avoir lutté quarante ans, me voici

وبعد كفاحي مدّة أربعين عاماً ها أنذا

Arrivé sur le bord de la tombe profonde,

قريب من وهدة القبر العميق

Et j’ai devant moi Allah, derrière moi le monde.

وأمامي الله وخلفيّ العالم.

Quant à vous qui m’avez dans l’épreuve suivi,

أما أنتم يا من وضعتموني موضع اختبار

Comme les grecs Hermès et les hébreux Lévi,

مثل “هرامسة” الإغريق و”لاوي” العبريّين

Vous avez bien souffert, mais vous verrez l’aurore.

فقد عانيتم الألم، لكنكمّ ستشاهدون الشروق.

Après la froide nuit, vous verrez l’aube éclore ;

بعد الليل البارد، سترون الصبح يتفتّح.

Peuple, n’en doutez pas ; celui qui prodigua

أيّها الناس لا تشكّوا في هذا، فالذي جاد

Les lions aux ravins du Jebbel-Kronnega,

بالسباع على خندق الجبل الشامخ

Les perles à la mer et les astres à l’ombre,

وباللؤلؤ على البحار وبالنجوم على الظلال،

Peut bien donner un peu de joie à l’homme sombre. ‘

لقادر على منح قليل فرح إلى الإنسان الكالح،

Il ajouta ; ‘ Croyez, veillez ; courbez le front.

وأضاف قائلاً: آمنوا. تمنّوا. طأطئوا الجباه،

Ceux qui ne sont ni bons ni mauvais resteront

فالذين ليسوا أخياراً ولا أشراراً سيبقون

Sur le mur qui sépare Eden d’avec l’abîme,

محاصرين بالسور الفاصل بين الجنّة والنار،

Etant trop noirs pour Dieu, mais trop blancs pour le crime ;

لأنّهم قاتمو السواد عند الله وشديدو البياض عند اقتراف الجريمة.

Presque personne n’est assez pur de péchés

إنّه ليس هناك إنسان منزّه عن ارتكاب الخطايا

Pour ne pas mériter un châtiment ; tâchez,

فلا يستحق العقاب. حاولوا

En priant, que vos corps touchent partout la terre ;

وأنتم تصلّون أن تجعلوا أجسادكم تلمس كلَّ أنحاء الأرض

L’enfer ne brûlera dans son fatal mystère

فالنار لن تحرق بأسرارها القدريّة

Que ce qui n’aura point touché la cendre, et Dieu

غير الذين لم يمسّوا الرماد، والله

A qui baise la terre obscure, ouvre un ciel bleu ;

بسط الأرض المظلمة وفتح سماء زرقاء.

Soyez hospitaliers ; soyez saints ; soyez justes ;

كونوا كرماء. كونوا أتقياء. كونوا عادلين.

Là-haut sont les fruits purs dans les arbres augustes,

في الأعالي هي الفواكه الخالصة سليلة الأشجار المهيبة

Les chevaux sellés d’or, et, pour fuir aux sept dieux,

والجيّاد سُرُوجُها ذهبيّة، ولكي تـنأون عن الآلهة السبع

Les chars vivants ayant des foudres pour essieux ;

فإن المدرّعات الحيّة ليس في أحشائها غير حمم صاعقة،

Chaque houri, sereine, incorruptible, heureuse,

كلّ حوريّة، صاحيّة مطمئنّة سعيدة

Habite un pavillon fait d’une perle creuse ;

تسكن مقصورة بنيّت من جمانة مجوّفة،

Le Gehennam attend les réprouvés ; malheur !

أمّا جهنّم فهيّ في انتظار الأشقيّاء المدانين.

Ils auront des souliers de feu dont la chaleur

ينتعلون نعالاً ناريّة حرّها

Fera bouillir leur tête ainsi qu’une chaudière.

يغْلي رؤوسهم غليان فرن.

La face des élus sera charmante et fière. ‘

بينما وجوه الصالحين رائعة ومعتزّة بنفسها.

Il s’arrêta donnant audience à l’espoir.

توقّف متيحاً فرصة الكلام إلى الأمل.

Puis poursuivant sa marche à pas lents, il reprit :

ثمّ وهوّ يتابع سيره بخطىً بطيئة قال:

‘ O vivants ! Je répète à tous que voici l’heure

أيّها الأحياء أقرّ للجميع بأنّ دُنُوّ الساعة التي

Où je vais me cacher dans une autre demeure ;

سأكون فيها ضيفاً على سكن آخر.

Donc, hâtez-vous. Il faut, le moment est venu,

إذن عجّلوا، فهذه هيّ اللحظة الموعودة

Que je sois dénoncé par ceux qui m’ont connu,

التي تسنح للذين فضحوني عن طريق الذين عرفوني

Et que, si j’ai des torts, on me crache aux visages. ‘

بأنّني إذا ارتكبت خطأً فليبصقوا في وجهي.

La foule s’écartait muette à son passage.

انفرط الجمع صامتين عند مروره

Il se lava la barbe au puits d’Aboufléia.

بلّل لحيته بماء بئر “أبوفيليّة”.

Un homme réclama trois drachmes, qu’il paya,

طالبه رجل بثلاثة دراهم دفعها قائلا:

Disant : ‘ Mieux vaut payer ici que dans la tombe. ‘

خير لي أن أؤديّها هنا من أن أؤديّها في القبر.

L’œil du peuple était doux comme un œil de colombe

كانت عيون الحاضرين عذبة كما لو أنّها عينا حمامة.

En le regardant cet homme auguste, son appui ;

Tous pleuraient ; quand, plus tard, il fut rentré chez lui,

بكوا جميعاً لمّا رأوه بعد ذلك يدخل إلى بيته

Beaucoup restèrent là sans fermer la paupière,

كثير منهم لزموا المكان دون أن يغمض لهم جفن

Et passèrent la nuit couchés sur une pierre

قضوا الليل نائمين على الأرض

Le lendemain matin, voyant l’aube arriver ;

وفي الغد عندما طلع النهار

‘ Aboubékre, dit-il, je ne puis me lever,

ذكر أبو بكر أنّ محمّداً لم يستطع أن يقوم من فراشه

Tu vas prendre le livre et faire la prière. ‘

وقال له: خذ المصحف وأقم الصلاة

Et sa femme Aïscha se tenait en arrière ;

تراجعت زوجته عائشة إلى الوراء

Il écoutait pendant qu’Aboubékre lisait,

ومحمّد ينصت إلى ترتيل أبي بكر

Et souvent à voix basse achevait le verset ;

وكان غالبا ما يخفض صوته عن نهاية الآية

Et l’on pleurait pendant qu’il priait de la sorte.

شوهد محمّد يبكي وأبو بكر يرتّل بهذه الطريقة.

Et l’Ange de la mort vers le soir à la porte

كان ملاك الموت عند المساء وراء الباب.

Apparut, demandant qu’on lui permît d’entrer.

أهلّ طالباً أن يسمح له بالدخول.

‘ Qu’il entre. ‘ On vit alors son regard s’éclairer

ليدخل، بدا نظر النبيّ يشعّ

De la même clarté qu’au jour de sa naissance ;

بنفس الإشعاع الذي كان له يوم ميلاده.

Et l’Ange lui dit : ‘ Dieu désire ta présence.

فقال له الملاك: يريد الله حضورك.

– Bien ‘, dit-il. Un frisson sur les tempes courut,

قال النبيّ نعم. رعشة علت صدغيه

Un souffle ouvrit sa lèvre, et Mahomet mourut.

نفحة فتحت شفتيه ومات محمد.

Victor Hugo, le 15 janvier 1858.

فيكتور هوغو 15 يناير 1858

ترجمة: عبد الكريم الوزاني

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