Thomas Walker Arnold : Brillant Pionnier Britannique de l’Islamologie 

« Mohamed exerça le pouvoir pendant un intervalle qui pourrait bien être accessible à tout autre commandant indépendant. La seule différence fut que le lien religieux entre les musulmans ressemblait au lien du sang. C’est à cette même époque qu’il élabora un régime politique entièrement distingué ». Témoignage de Sir Thomas Walker Arnold dans “La prédication de l’Islam 1896”.

Thomas Walker Arnold (1864-1930), érudit britannique éminent spécialisé dans l’islam, la civilisation, et l’art islamiques, a émergé comme une figure de proue parmi les académiciens britanniques du 19ème siècle. Il se distingue en tant qu’orientaliste impartial et équitable dans son analyse de l’islam et de Mohamed PBSL. Son influence sur les cercles académiques britanniques a été considérable, façonnant une perspective plus juste, éclairée et respectueuse envers l’islam et ses adeptes.

De l’Angleterre aux Indes : Un voyage d’épanouissement intellectuel et culturel

Originaire du Devon, en Angleterre, il a été éduqué à Londres puis à Cambridge. C’est au sein de cette prestigieuse université qu’il a développé un vif intérêt pour l’Orient en apprenant le français, le latin, l’arabe et le sanskrit. Après ses études, il a entrepris un voyage aux Indes en 1888, alors sous le joug britannique, et y a vécu pendant seize ans, jusqu’en 1904.

Dès son premier poste en Inde au ‘Muhammadan Anglo-Oriental College’ d’Aligarh, près de New Delhi, en tant que professeur de philosophie, sa fascination pour les cultures musulmanes se confirme. Il s’immerge complètement dans cette société indo-islamique, adopte la tenue locale en échange de son costume britannique, et gagne le surnom de «Mawlänä Arnold». Apprécié pour son humanité, son enthousiasme, et son respect des traditions musulmanes, il se démarque en encourageant même ses étudiants à la prière. Passionné de poésie ourdou, il crée avec ses étudiants une société pour promouvoir ce patrimoine, tout en apprenant le persan.

Forger une nouvelle perspective : L’université islamique d’Aligarh et l’héritage de Thomas W. Arnold

L’établissement où il enseigne, qui évoluera plus tard pour devenir l’université islamique d’Aligarh, représente une innovation majeure pour son époque. Initié par Syed Ahmed Khan (1817-98), cet établissement adopte une approche tout à fait nouvelle : il aspire à instaurer une institution musulmane suivant le modèle de Cambridge et d’Oxford, combinant les méthodes éducatives européennes à un cadre islamique. Khan, personnalité indienne engagée en tant que penseur, historien et philosophe, est également reconnu comme le précurseur du nationalisme musulman en Inde, bien que ses idées réformistes suscitent des débats. C’est précisément Khan qui inspire Thomas W. Arnold à rédiger son ouvrage “La Prédication de l’Islam : Histoire de la Propagation de la Foi Musulmane”, publié en 1896, réédité en 1913, traduit en ourdou (1898), turc (1925), persan (1936) et arabe (1947). Cette œuvre originale, première étude méthodique de la diffusion de l’islam à travers le temps, établit d’emblée Arnold comme l’un des spécialistes les plus éminents de la civilisation islamique de son époque. Elle contribue avant tout à réfuter de nombreux préjugés historiques et à contester les jugements hâtifs et dogmatiques qui ont caractérisé la perception occidentale du monde musulman pendant des siècles.

L’Explorateur des mondes culturels : Amitiés et contributions à travers l’Orient

Au cours de ses dix années d’enseignement à Aligarh, Thomas W. Arnold établit une relation intellectuelle remarquable avec son collègue Shibli Nomani, un érudit et historien panislamiste aux convictions plus orthodoxes par rapport à Syed Ahmed Khan. Arnold, d’origine occidentale, éveille son homologue indien aux idées de l’Occident, tandis que Nomani l’immerge dans les nuances et subtilités de la langue arabe, une maîtrise où il excelle. En 1892, ils entreprennent un voyage ensemble à travers l’empire Ottoman, rencontrant des figures marquantes comme le réformiste Mohamed ‘Abduh au Caire, ainsi que le sultan Abdülhamid II à Istanbul. Plus tard, à l’université de Lahore au Pakistan moderne, où Arnold enseigne également la philosophie et devient doyen de la faculté des études orientales, il développe une amitié étroite avec le futur grand poète et philosophe Mohamed Iqbal, souvent considéré comme le précurseur intellectuel du Pakistan. Iqbal, un étudiant brillant devenu par la suite un éminent penseur, lui dédie même un poème et un ouvrage. Un autre élève du britannique, Syed Sulaiman Nadvi, se hissera au rang de célèbre historien indo-pakistanais, notamment grâce à la compilation d’une véritable encyclopédie sur la Sira du Prophète.

De l’Encyclopédie de l’Islam à l’Évolution du Califat, comment Arnold a laissé une Marque Indélébile

De retour au Royaume-Uni en 1904, Thomas W. Arnold ne délaisse pas sa passion. Non seulement il accueille les étudiants indiens sur le sol britannique, mais il érige également en 1910 l’India Society pour promouvoir les splendeurs artistiques de sa patrie de cœur. Sa contribution à la connaissance de l’islam et de ses peuples est saluée par un titre de noblesse en 1921, décerné par le roi George V. Cinq ans plus tard, en 1926, il est élu membre de la prestigieuse British Academy, l’académie britannique des sciences humaines et sociales. En 1913, il occupe la position de premier éditeur de “L’Encyclopédie de l’Islam” , une œuvre en treize volumes qui constitue une référence majeure dans le domaine des études islamiques. Cette encyclopédie, également publiée en français, offre une exploration exhaustive de la civilisation et de l’histoire de l’islam, avec la contribution éminente des principaux orientalistes.

Ayant le privilège d’être le premier titulaire de la chaire d’arabe et d’études islamiques à la prestigieuse “School of Oriental and African Studies” (SOAS) de Londres, Thomas W. Arnold assume cette fonction avec distinction jusqu’à son décès en 1930. Cette période de sa vie est synonyme d’une productivité exceptionnelle, marquée par la publication de plusieurs ouvrages majeurs. Passionné par l’histoire du monde musulman et l’art islamique, il élargit le champ académique en réveillant l’intérêt pour l’art islamique jusqu’alors négligé. Parmi ses œuvres notables, reconnues pour leur niveau académique élevé, se trouve l’ouvrage ‘La prédication de l’islam’, ainsi que deux ouvrages clés, ‘Painting in Islam’ (1928), une exploration captivante de la place de l’art pictural au sein de la culture musulmane, et ‘The Caliphate’ (1924), qui plonge dans l’évolution du califat à travers l’Histoire. Son engagement s’étend également au grand public britannique avec ‘The Islamic Faith’ (1924), un livret visant à éclairer sur l’islam. Son héritage demeure vibrant grâce à ‘The Legacy of Islam’ (1931), une compilation d’articles universitaires mettant en avant les influences multiples du monde islamique sur la culture européenne.

“La Prédication de l’Islam” : Une analyse approfondie des mécanismes de diffusion et de tolérance de l’islam

Dans son ouvrage “La prédication de l’islam”, Thomas W. Arnold s’est attelé à répondre de manière approfondie et éclairante aux questions suivantes : Comment l’islam s’est-il répandu depuis la péninsule arabique jusqu’aux confins de trois continents, unissant dans une fraternité spirituelle des nations disparates en langue, ethnie, coutumes, culture, géographie et histoire ? Comment a-t-il gagné si profondément le cœur de nations qui étaient autrefois chrétiennes, zoroastriennes ou païennes ? Quelles méthodes ont été utilisées par les missionnaires de la foi du Prophète ? Quels éléments de cette foi ont tant captivé les peuples ? Quels autres facteurs, qu’ils soient socio-culturels, politiques, économiques ou religieux, ont contribué à ce phénomène historique exceptionnel ?

Son ouvrage présente sans doute la première étude systématique et académique du sujet par un auteur occidental. En se libérant des préjugés européens de l’époque, il réfute la théorie de la “propagation par l’épée”, une croyance commune à la pensée historique de l’époque. Il met en avant la tolérance intrinsèque aux pouvoirs musulmans, sans occulter les persécutions ponctuelles. Il démontre que celles-ci sont l’exception plutôt que la règle.

De plus, il explore d’ autres facteurs, particulièrement d’ordre politique. Au-delà de son importance historique, l’ouvrage révèle en filigrane des enseignements spirituels significatifs et offre une vue quasi exhaustive des diverses communautés qui composent l’Oumma.

Alfred Guillaume nous dit de Thomas Arnold:

«C’est l’un des plus grands orientalistes britanniques. Il a fait ses études à Cambridge. Il a passé plusieurs années en Inde – 1888-1898 – en tant que professeur de philosophie à la faculté islamique d’Aligarh. De 1998 à 1904, il enseigne la philosophie au Government College, à Lahore. Il est le premier à avoir occupé la chaire des études arabes à la SOAS School of Oriental Studies, à l’université de Londres. Il deviendra plus tard son doyen. Il a pénétré le monde de la notoriété avec Preaching of Islam 1896, Le Califat 1924, Le dogme musulman et La peinture en Islam 1928. Il est le premier éditeur de Legacy of Islam. En plus de connaître la majorité des langues européennes, il avait une très grande connaissance de l’arabe et du persan. Sans oublier ses connaissances concernant le Moyen-âge et l’ère moderne. Ses livres, autant selon les témoignages des spécialistes du monde occidental que ceux du monde musulmans, sont d’une fiabilité absolue.»

Répondant aux thèses avançant que l’islam n’a connu de propagation que par la coercition de l’épée, Thomas Arnold dit:

«Nous n’avons jamais entendu parler d’une quelconque tentative de forcer une population non-musulmane à accepter l’Islam ; ni non plus de la moindre persécution dans le but d’éradiquer le christianisme. Si les califes avaient, eux, choisi une de ces deux alternatives, ils auraient certainement balayé le Christianisme aussi aisément que Ferdinand et Isabelle de Castille [conquérants chrétiens de l’Espagne musulmane] ont éliminé l’Islam d’Espagne ; ou encore imité Louis XIV qui décréta le Protestantisme hors-la-loi, ou enfin, ils auraient agi comme les Anglais envers les juifs qui furent interdits de séjour en Angleterre pendant 350 ans. Les églises orientales de l’Asie étaient isolées du reste de la Chrétienté. Personne n’aurait donc levé le petit doigt pour les aider si les musulmans les avaient attaquées ; d’autant plus qu’elles étaient considérées comme hérétiques. Par conséquent, la simple existence de ces églises encore aujourd’hui est une solide preuve de l’attitude généralement tolérante des gouvernements mahométans envers elles. »

En abordant la question de la tolérance de l’islam, il dit:

«Imposer le tribut (djizia) aux chrétiens n’avait guère comme objectif, tel que certains chercheurs nous amènent à croire, de leur infliger un genre de punition suite à leur abstention d’embrasser l’Islam. Ceux-ci s’en acquittaient comme tous les Dhimmis, ressortissants de l’État, dont la religion empêchait de s’engager au service militaire, et ce en contrepartie de la protection que leur assuraient les épées des musulmans. »

Conclusion

En conclusion, le parcours exceptionnel de Thomas W. Arnold a indubitablement laissé une empreinte lumineuse dans le domaine de l’Islamologie et au-delà. En tant qu’éminent érudit britannique du 19ème siècle, il a dédié sa vie à éclairer et à éduquer le monde sur l’islam et la civilisation islamique. Son œuvre monumentale “La Prédication de l’Islam” reste une pierre angulaire dans l’étude de la propagation de cette foi, dépassant les préjugés et démontant les idées préconçues. Arnold a réussi à transmettre une vision éclairée et impartiale de l’islam, démontrant la tolérance et l’ouverture de cette foi ainsi que son impact culturel et historique.

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