Montesquieu, né Charles-Louis de Secondat à bordeaux, est un célèbre philosophe, penseur et écrivain des Lumières.
Il prend le nom de Montesquieu après être déclaré Baron de La Brède et de Montesquieu.
Il est connu pour ses ouvrages, où il discute et critique l’histoire et la politique de manière philosophique, il est souvent qualifié de fondateur de la science politique.
Il a souvent été critiqué par l’église chrétienne pour ses propos à l’encontre de cette dernière, mais il s’est défendu en déclarant :
Nous sommes ici politiques et non pas théologiens, (EL, XXV, 9; t. II, p. 160).
De par ce fait, il n’a jamais été religieux, mais il a toujours considéré la religion comme un phénomène politique, donc ses arguments et son analyse du sujet a toujours été politique.
C’est de ce point de vue qu’il déclara dans ce paragraphe :
Plusieurs choses gouvernent les hommes : le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières ; d’où il se forme un esprit général qui en résulte.
L’opinion de Montesquieu sur l’islam
De même que pour toutes les oeuvres des Lumières, l’Islam est vu comme le premier adversaire du christianisme, et cela est du a la haine que porte l’église, le pape de l’époque et les chrétiens envers les musulmans.
Montesquieu possédait une grande connaissance à propos de la culture et des institutions islamiques, une curiosité qui a commencé à un jeune âge, lorsqu’il a étudié un grand nombre de livres sur l’Islam, ainsi que des traductions du Coran, cet intérêt a été démontré dans son œuvre « Pensée« .
Malgré cela, l’hostilité à l’encontre de l’islam est aussi partagé par Montesquieu, qui malgré son athéisme, méprise la religion musulmane, la civilisation islamique et son prophète Mohamed.
Malgré les avantages des préceptes du Coran, la rationalisation de la prohibition des boissons spiritueuses, ainsi que sa capacité à reconnaître la plus grande de leur contribution, qui a été la diffusion de la science en Europe. Il a toujours assimilé l’islam au despotisme, qui illustrent l’image de la culture et de la foi musulmanes, selon lui, et qui représente la pire forme de politique. il estime que l’Islam est une diffusion de la dictature qui mène à la misère, en la comparant constamment a la supposée justesse du christianisme. Selon lui, les valeurs intrinsèques de l’islam sont la crainte et l’obéissance, ce qui explique pourquoi les musulmans sont si dévoués à leur foi. Un autre point qu’il invoque contre l’islam est l’oppression des femmes, faisant allusion à l’injonction de Mohamed de contrôler soigneusement les femmes.
Quelques extraits des œuvres de Montesquieu qui relève son opinion sur l’islam
Commençons par “Pensées Diverses”
Il se fait de temps en temps des inondations de peuples dans le monde, qui font recevoir partout leurs mœurs et leurs coutumes. L’inondation des Mahométans apporta le despotisme; celle des hommes du Nord, le gouvernement des nobles, (P. 100, p. 32).
Dans ce passage, l’essor de l’Islam a conduit à la propagation de la tyrannie, ce qui est l’impact exactement opposé de la foi musulmane, selon Montesquieu.
La religion de Mahomet ayant été portée en Asie, en Afrique, en Europe, les prisons se formèrent. La moitié du monde s’éclipsa. On ne voit plus que des grilles et des verrous. Tout fut tendu de noir dans l’univers., (P 503, p. 177).
Ces propos démontrent une comparaison entre l’islam et le christianisme, où selon lui, les conséquences de la propagation des idées chrétiennes, « ont créé l’égalité partout. » alors que la foi musulmane entraîne la dépendance et la souffrance, comme le montrent les observations faites dans diverses régions d’Asie et d’Afrique.
Ce furent les Mahométans (Maures d’Espagne) qui portaient les sciences en Occident. Depuis ce temps-là, ils n’ont jamais voulu reprendre ce qu’ils nous avaient donné, (P. 723, p. 219).
Il s’agit d’une rare perspective favorable de l’histoire des peuples islamiques, Montesquieu reconnaît que l’une des plus grandes réalisations des musulmans a été d’apporter la science en Europe après la chute de l’Empire romain.
Dans un gouvernement où l’on demande surtout la tranquillité, et où la subordination extrême s’appelle la paix, il faut enfermer les femmes; leurs intrigues seraient fatales au mari Ibid.
N’est-il pas vrai que, si le Mahométisme avait soumis toute la terre, les femmes auraient été partout renfermées ? On aurait regardé cette manière de les gouverner comme naturelle, et on aurait de la peine à imaginer qu’il y en pût avoir une autre. P 1622 (pp. 471-472)
Montesquieu exprime ici ses pensées sur les formes de soumission des femmes en terre d’Islam, en référence spécifique à la recommandation de Mohamed à ses disciples de surveiller étroitement leurs femmes.
Mahomet, qui avait été marchand, rendit un grand service à sa patrie en défendant le vin : il fit boire à toute l’Asie le vin de son pays ; raison très-bonne pour faire sa loi, s’il y avait pensé , P 1158 (p. 309) (ibid.).
En fait, Montesquieu écrit dans cette partie que l’interdiction du vin par Mohamed a eu une bonne influence sur le commerce, mais que c’était une conséquence inattendue.
Ceci nous amène à l’explication de l’interdiction des boissons alcoolisées, que l’on peut trouver dans son œuvre Esprit des Lois.
Passons à l’ouvrage De l’Esprit des Lois
L’idée de cette restriction peut être trouvée dans les besoins du climat dans lequel vivaient les populations arabes. Il ne s’agit donc pas d’une réglementation contre nature ou arbitraire établie par Mohamed, mais d’une réglementation que l’on peut aisément rapprocher des motifs naturels du vocabulaire de Montesquieu. Ceci est décrit dans le paragraphe suivant:
La loi de Mahomet, qui défend de boire du vin, est. donc une loi du climat d’Arabie ; aussi avant Mahomet, l’eau était-elle la boisson commune des Arabes. La loi qui défendait aux Carthaginois de boire du vin, était aussi une loi du climat ; effectivement le climat de ces deux pays est. à peu près le même » (EL, XIV, 10 ; t. I, p. 254).
Dans ces États, la religion a plus d’influence que dans aucun autre; elle est une crainte ajoutée à la crainte. Dans les empires mahométans, c’est de la religion que les peuples tirent en partie le respect étonnant qu’ils ont pour leur prince. » EL, V,14 ; t. I, p. 68.
La relation forte et inséparable entre l’Islam et le despotisme est expliqué, tout en construisant une carte politique de la tyrannie – dans laquelle le monde islamique jouerait un rôle central – qui restera inchangée dans la pensée de Montesquieu. Les premiers chapitres de l’Esprit des lois le montrent très clairement. Si l’on reconnaît que la peur est le facteur déterminant des gouvernements tyranniques, les enseignements de l’islam pourraient être interprétés comme “une crainte ajoutée à la crainte”.
C’est ce concept de soumission et de peur – les principes fondamentaux de la religion musulmane – qui, selon Montesquieu, permettent de comprendre la fidélité de ces hommes envers le prophète.
Sur le caractère de la religion chrétienne et celui de la mahométane, on doit, sans autre examen, embrasser l’une et rejeter l’autre : car il nous est bien plus évident qu’une religion doit adoucir les mœurs des hommes, qui ne l’est qu’une religion soit vraie. C’est. un malheur pour la nature humaine, lorsque la religion est donnée par un conquérant. La religion mahométane, qui ne parle que de la glaive, agit encore sur les hommes avec cet esprit destructeur qui l’a fondée », (EL, XXIV, 4 ; t. II, pp. 134-135).
Dans ce livre XXIV, il montre à nouveau l’attention sur la comparaison entre le christianisme et l’islam qui se conclut par une affirmation sans doute de la supériorité du premier sur le second du point de vue social, moral et politique.
Cela soulève le sujet de l’utilité sociale particulière du christianisme, en soulignant l’importance du fait qu’il a été une barrière efficace contre l’expansion de l’Islam et de la tyrannie.
Dans les États mahométans, on est non seulement maître de la vie et des biens des femmes esclaves, mais encore de ce qu’on appelle leur vertu ou leur honneur. C’est un des malheurs de ces pays, que la plus grande partie de la nation n’y soit faite que pour servir à la volupté de l’autre. Cette servitude est récompensée par la paresse dont on fait jouir de pareils esclaves ; ce qui est encore pour l’État un nouveau malheur » (EL, XV, 12, t. I ; p. 270).
L’idée de ce paragraphe fait objet des pratiques de l’autorité des hommes sur les femmes dans les pays islamiques, qui les rendent esclaves, a été défini comme une condition de grande misère associée à de mauvaises conséquences sociales et économiques qui poussent la majorité de la population à la paresse.
C’est la religion qui corrige un peu la constitution turque. Les sujets, qui ne sont pas attachés à la gloire et à la grandeur de l’État par honneur, le sont par la force et par le principe de la religion. » (EL, V, 14 ; t. I p. 69.)
Ici, en contradiction avec ses propos précédents, il prend soin de montrer comment la foi islamique peut contribuer à atténuer les conséquences de gouvernements tyranniques et corrompus. D’une manière générale, il met l’accent sur les effets bénéfiques des enseignements du Coran sur la réduction des conflits dans le monde arabe.
Cependant, l’idée que le Coran puisse contribuer à l’abolition du despotisme n’est pas poussée au-delà de cet aperçu.
La nature avait destiné les Arabes au commerce ; elle ne les avait pas destinés à la guerre ; mais lorsque ces peuples tranquilles se trouvèrent sur les frontières des Parthes et des Romains, il devinrent les auxiliaires des uns et des autres, (EL, XXI, 16 ; t. II, p. 51).
Elius Gallus – le préfet qui a dirigé l’expédition en Arabie Félix sous le règne d’Auguste – les avait trouvés commerçants, Mahomet les trouva guerriers ; il leur donna de l’enthousiasme, et les voilà conquérants, (ibid.).
Selon lui, Mohamed a apporté la ferveur religieuse au caractère guerrier du pays arabe, et c’est ce qui l’a transformé en une nation conquérante. Il a été le premier à opérer un changement dans l’attitude et la mentalité des Arabes.
Le code religieux supplée au code civil, et fixe l’arbitraire ». EL, XII, 29 ; t. I, p. 227.
En ce qui concerne la nature de la gouvernance despotique, cette phrase met l’accent sur l’utilisation des normes religieuses pour compenser la fragilité des règles civiles, non pas comme un facteur de corrosion ou d’affaiblissement de la tyrannie, mais plutôt comme une méthode pour consolider et renforcer son arbitraire.
On conclut par une lettre des Lettres Persanes, où il s’exprime sur le prophète Mohamed
Extrait de » LETTRE Persane XXXIX « .
HAGI IBBI AU JUIF BEN JOSUE,
PROSELYTE MAHOMETAN. A Smyrne:
Il me semble, Ben Josué, qu’il y a toujours des signes éclatants qui préparent à la naissance des hommes extraordinaires; comme si la nature souffrait une espèce de crise, et que la puissance céleste ne produisît qu’avec effort. Il n’y a rien de si merveilleux que la naissance de Mahomet.
Dieu, qui par les décrets de sa providence avait résolu dès le commencement d’envoyer aux hommes ce grand prophète pour enchaîner Satan, créa une lumière deux mille ans avant Adam, qui, passant d’élu en élu, d’ancêtre en ancêtre de Mahomet, parvint enfin jusques à lui comme un témoignage authentique qu’il était descendu des patriarches.
Ce fut aussi à cause de ce même prophète que Dieu ne voulut pas qu’aucun enfant fût conçu, que la nature de la femme ne cessât d’être immonde, et que le membre viril ne fût livré à la circoncision.
Il vint au monde circoncis, et la joie parut sur son visage dès sa naissance; la terre trembla trois fois, comme si elle eût enfanté elle-même; toutes les idoles se prosternèrent; les trônes des rois furent renversés; Lucifer fut jeté au fond de la mer; et ce ne fut qu’après avoir nagé pendant quarante jours qu’il sortit de l’abîme, et s’enfuit sur le mont Cabès, d’où, avec une voix terrible, il appela les anges.
Cette nuit, Dieu posa un terme entre l’homme et la femme, qu’aucun d’eux ne pût passer.
L’art des magiciens et nécromants se trouva sans vertu. On entendit une voix du ciel qui disait ces paroles: J’ai envoyé au monde mon ami fidèle. Selon le témoignage d’Isben Aben, historien arabe, les générations des oiseaux, des nuées, des vents, et tous les escadrons des anges, se réunirent pour élever cet enfant, et se disputèrent cet avantage.
Les oiseaux disaient dans leurs gazouillements qu’il était plus commode qu’ils l’élevassent, parce qu’ils pouvaient plus facilement rassembler plusieurs fruits de divers lieux. Les vents murmuraient, et disaient: C’est plutôt à nous, parce que nous pouvons lui apporter de tous les endroits les odeurs les plus agréables.
Non, non, disaient les nuées, non; c’est à nos soins qu’il sera confié, parce que nous lui ferons part à tous les instants de la fraîcheur des eaux. Là-dessus les anges indignés s’écriaient: Que nous restera-t-il donc à faire? Mais une voix du ciel fut entendue, qui termina toutes les disputes: Il ne sera point ôté d’entre les mains des mortels, parce que heureuses les mamelles qui l’allaiteront, et les mains qui le toucheront, et la maison qu’il habitera, et le lit où il reposera.
Après tant de témoignages si éclatants, mon cher Josué, il faut avoir un coeur de pierre pour ne pas croire sa sainte loi. Que pouvait faire davantage le ciel pour autoriser sa mission divine, à moins que de renverser la nature, et de faire périr les hommes mêmes qu’il voulait convaincre?
(A Paris, le 20 de la lune de Rhégeb, 1713.)
Conclusion
Pour en revenir à la question fondamentale que Montesquieu a abordée à propos de l’Islam, nous devrions être d’accord avec de nombreux spécialistes anciens et modernes : ses convictions concernant le lien entre le despotisme et l’Islam ne sont ni fondées ni correctes et ne démontre en aucun cas sa compréhension des institutions islamiques dans diverses situations. On peut également lier sa pensée aux sentiments anti-islamiques haineux de longue date de l’Europe chrétienne.
Dans un extrait de sa « Lettre Persane XXXIX », Montesquieu exprime de manière inattendue son admiration pour le prophète Mahomet après une carrière de sentiments haineux anti-islamiques.
Références
- MINUTI, Rolando, et al. Studies on Montesquieu-Mapping Political Diversity. Cham : Springer, 2018.
- BARON DE MONTESQUIEU, Charles de Secondat. Lettres persanes. Imprimerie nationale, 1897.
- BARON DE MONTESQUIEU, Charles de Secondat. Esprit des lois. Firmin Didot frères, fils et cie, 1872.
- BARON DE MONTESQUIEU, Charles de Secondat. Pensées diverses. Firmin Didot frères, fils et cie, 1879.